Cet article identifie un manque de recherche sur les impacts préexistants et fondamentaux des systèmes d'intelligence artificielle (IA) sur la cognition humaine et propose un nouveau champ de recherche interdisciplinaire, les « Études de l'infrastructure cognitive » (CIS), pour combler cette lacune. Les CIS reconceptualisent l'IA comme une « infrastructure cognitive », un système fondamental qui influence la cognition, le comportement et les connaissances humaines. Cette infrastructure cognitive véhicule du sens, fonctionne par personnalisation prédictive et se caractérise par une invisibilité adaptative, rendant son impact difficile à détecter. Plus précisément, l'infrastructure cognitive automatise les « jugements de pertinence », déplaçant le sujet cognitif vers un système non humain. Cet article illustre comment l'infrastructure cognitive remodèle la cognition humaine, le raisonnement public et l'épistémologie sociale à travers des scénarios narratifs couvrant les échelles individuelles (dépendance cognitive), collectives (délibération démocratique) et sociétales (gouvernance). Les CIS exigent une intégration sans précédent de diverses méthodes disciplinaires pour comprendre comment le prétraitement de l'IA remodèle la cognition distribuée aux échelles individuelles, collectives et culturelles. Il comble également des lacunes critiques entre les disciplines, notamment l'incapacité des sciences cognitives à analyser le prétraitement à l'échelle de la population, l'incapacité de la sociologie numérique à accéder aux mécanismes cognitifs individuels et l'incapacité des approches computationnelles à comprendre la dynamique de la transmission culturelle. À cette fin, le CIS propose une innovation méthodologique pour étudier les influences algorithmiques invisibles : la « méthodologie de la décomposition des infrastructures », une approche expérimentale qui expose les dépendances cognitives en retirant systématiquement le prétraitement de l'IA après une période d'accoutumance.